Newsletter Décembre 2019 :
Réformes de la justice en 2020 : la grande pagaille !
Les Pouvoirs Publics se sont engagés dans d’importantes Réformes touchant l’activité des Tribunaux qui ont vocation à s’appliquer en 2020.
Cependant, la précipitation et l’amateurisme avec lesquels elles sont mises en place par la Chancellerie privent les professionnels qui devront les appliquer de toute visibilité. Ces réformes vont à l’encontre de l’intérêt des justiciables.
La création d’un « tribunal judiciaire »
Ainsi, la loi du 22 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit la fusion du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance en un « tribunal judiciaire » aux compétences étendues.
Cette réforme entrera en vigueur le 1er janvier 2020.
Lorsque le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance sont situés dans une même ville, ils deviennent une juridiction unique, située sur un ou plusieurs sites, dénommée « tribunal judiciaire ».
Lorsque le tribunal d’instance n’est pas situé dans la même ville que le tribunal de grande instance, il devient une chambre de proximité du tribunal judiciaire dénommée « tribunal de proximité ».
La spécialisation de certaines juridictions :
La loi fixe des matières « spécialisables ».
Ainsi, s’il existe plusieurs tribunaux judiciaires dans un même département, l’un de ceux-ci pourrait être spécialement désigné pour connaître seul de certaines matières.
Pour ne citer que quelques exemples, il peut s’agir :
– des actions relatives aux baux commerciaux,
– des actions en responsabilité médicale,
– des actions en paiement, en garantie, en responsabilité liées à une opération de construction immobilière,
– des actions en contestation des décisions des assemblées générales et celles relatives aux copropriétés en difficulté.
Cette spécialisation n’est pas automatique.
Elle peut être proposée par le premier président de la cour d’appel et le procureur général près cette cour.
La loi prévoit qu’il doit alors être tenu compte du volume des affaires concernées et de la technicité de ces matières.
En cas de spécialisation de certaines matières, la conséquence immédiate pour les justiciables sera que ceux-ci seront privés d’une proximité géographique avec leur juge.
Par exemple, le demandeur qui souhaitait agir en responsabilité suite à des malfaçons commises à l’occasion d’une construction immobilière pouvait jusque-là saisir le tribunal de grande instance de Valenciennes lorsque celui-ci était compétent territorialement.
On peut imaginer qu’à l’avenir, si cette matière est désignée par les chefs de la cour d’appel de Douai comme devant relever de la spécialisation prévue par la loi, le même demandeur soit contraint de saisir le tribunal judiciaire désormais seul compétent qui pourra être celui de Boulogne sur Mer ou de Lille.
Une nouvelle fois, il s’agit d’une réforme qui n’a qu’une ambition budgétaire – faire des économies – et qui se soucie peu de l’intérêt des justiciables.
La création d’un juge des contentieux de la protection :
Signalons encore que cette même loi crée un « juge des contentieux de la protection » qui sera compétent dans des domaines extrêmement disparates.
Il exercera les fonctions du juge des tutelles des majeurs.
Il sera également compétent pour juger :
– les actions tendant à l’expulsion des personnes qui occupent aux fins d’habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre, autrement dit de l’action en expulsion des squatters.
– les litiges relatifs aux baux d’habitation
– les actions relatives au crédit à la consommation ou de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel.
L’on peine à comprendre la logique ayant conduit à donner à ce juge de telles compétences sans rapport les unes avec les autres.
Une nouvelle fois, il s’agit d’une réforme qui ne s’accompagne d’aucun moyen matériel ou humain.
À quelques semaines de sa mise en application, le plus grand flou subsiste.
Une vaste réforme de la procédure civile :
Ce n’est pas le seul domaine dans lequel aucune visibilité n’existe !
En effet, une importante réforme de la procédure civile est annoncée au 1er janvier 2020… même si, au moment où nous écrivons, les décrets d’application initiant cette réforme ne sont pas encore pris et donc connus de l’ensemble des professionnels devant l’appliquer qu’il s’agisse des avocats, magistrats, greffiers …
C’est la raison pour laquelle, de concert, avocats, magistrats et greffiers ont demandé à la Chancellerie le report de la mise en application de cette réforme.
Ces professionnels ont été entendus mais en partie seulement.
C’est ainsi que certaines mesures qui devaient entrer en application le 1er janvier 2020 seraient reportées.
Dans le même temps, toutefois, d’autres dispositions qui figureront dans le décret non encore connu aujourd’hui s’appliqueront bien au 1er janvier 2020.
À l’heure où nous écrivons, nous ignorons encore les mesures qui seront applicables et celles qui seront différées.
Difficile dans ces conditions de pouvoir se projeter sur de nouvelles procédures à initier en 2020.
Il paraît qu’ « il est urgent d’attendre ».
La réforme du divorce :
Et non, ce n’est pas fini !
Dans le même temps, la loi de programmation de la justice du 23 mars 2019 a opéré une importante réforme du divorce.
Fin septembre 2019, nous apprenions que cette réforme qui devait initialement s’appliquer au plus tard le 1er septembre 2020 verrait son application avancée au 1er janvier 2020.
Là encore, au moment nous écrivons, le décret d’application de cette réforme n’est pas encore connu.
Une nouvelle fois, magistrats, avocats et greffiers se sont unis pour solliciter unanimement un report de la mise en application de cette réforme car, en effet, dans ces conditions, impossible de se former, d’anticiper et d’être prêts le 1er janvier 2020.
Rétropédalage : la Chancellerie a annoncé, il y a quelques jours, un report de l’application de cette réforme au 1er septembre 2020.
On le voit, une pagaille généralisée règne.
Nous autres, professionnels du Droit, sommes privés de toute visibilité sur ce qui se passera en 2020.
Des réformes d’ampleur se succèdent sans que le temps nécessaire ne soit laissé aux professionnels pour les appréhender, les « digérer », les mettre en œuvre.
A l’évidence, les pouvoirs publics confondent efficacité et précipitation.
Même, dans ce contexte, soyez assurés que les Avocats d’ACTION-CONSEILS continuent de tout mettre en œuvre pour servir les intérêts de leurs clients.
Ils seront prêts le 1er janvier 2020 même si, comme ils le craignent, les décrets d’application tant attendus sont publiés quelques heures avant le réveillon de fin d’année.
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