Newsletter Avril 2017 :
Effets inattendus d’un engagement de non-concurrence souscrit dans un « pacte d’actionnaires »
La jurisprudence considère qu’un actionnaire viole le pacte signé avec d’autres actionnaires lui interdisant d’entreprendre une activité concurrente, s’il créé une société dont l’objet social « mentionne », entre autres, l’activité concernée ; peu importe que cette activité soit, ou non, effectivement exercée par la nouvelle structure…
Telle est la conclusion très sévère d’un récent arrêt de Cour d’Appel saisie des faits suivants.
Des actionnaires avaient conclu une convention par laquelle ils s’engageaient à « n’exercer, ni entreprendre, directement ou indirectement, aucune des activités de leur société, spécialisée dans les opérations sur valeurs mobilières ».
Les statuts de cette société prévoyaient qu’en cas de « violation de tout engagement de nature à lui causer un préjudice ou en cas d’exercice, directement ou indirectement, d’une activité concurrente », la société pourrait décider d’exclure l’actionnaire fautif et de racheter ses actions.
Quelques années après, l’un des actionnaires concernés par le pacte d’actionnaire souscrit a procédé à la création d’une nouvelle société, dont il était gérant majoritaire. L’objet social de cette nouvelle société comportait diverses activités, dont celle de « conseil en gestion de patrimoine et en investissement financier ».
Cette activité étant « potentiellement » directement concurrente de celle de l’autre société, celle-ci a décidé l’exclusion de l’actionnaire fautif et le rachat de ses actions.
Ce dernier a contesté cette décision devant les tribunaux, la considérant abusive et demandant son annulation, en invoquant notamment les arguments suivants : l’objet de la société nouvelle est, certes, assez large, comme cela se fait souvent en pratique, mais, de fait, elle n’exerçait, en réalité, concrètement aucune activité visée par la clause de non concurrence.
D’ailleurs l’actionnaire mis en cause, a souligné dans son argumentaire que la nouvelle société n’avait pas demandé à l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) l’agrément pourtant nécessaire à l’exercice d’une telle activité, ce qui démontre à l’évidence, qu’elle n’entendait pas exercer l’activité concurrente incriminée.
Les juges n’ont cependant pas suivi l’argumentation de l’actionnaire concerné et ont notamment relevé :
– que l’activité de conseil en gestion de patrimoine et en investissement financier, « activité directement concurrente de celle de l’ancienne société », figure incontestablement dans l’énoncé des activités prévues par les statuts de la société nouvelle pour son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ;
– que vouloir définir l’objet social de façon « large » n’est pas une explication satisfaisante d’une telle analogie dans la rédaction de l’objet social des deux sociétés évoquées ;
– que l’absence de demande d’agrément pour l’exercice d’une telle activité n’empêcherait pas un exercice ponctuel de l’activité,
– que la société nouvelle a fait preuve d’une certaine « opacité » sur son fonctionnement, en ne déposant pas, dans les délais requis par le Code de Commerce, ses comptes annuels au greffe du tribunal de commerce ;
– que la clause de non-concurrence interdisait, aux actionnaires liés par la convention souscrite, non seulement « d’exercer », mais également « d’entreprendre » toute activité concurrente, visant ainsi, en amont, les situations à « risque de concurrence et englobant les engagements ou démarches permettant d’entreprendre une activité concurrente ».
Les magistrats en ont conclu qu’en créant une société « mentionnant » simplement dans son objet social une activité potentiellement concurrente de celle de la société ancienne, « le créateur de cette société nouvelle n’a pas respecté ses engagements de non concurrence ».
La décision d’exclusion, et de rachat des actions, n’a donc pas été considérée comme abusive et n’a, de ce fait, pas été annulée.
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