Newsletter juillet 2020 :
Dans quelles conditions peut-on agir en dénonciation téméraire ou calomnieuse ?
Il est fréquent que, dans nos cabinets, nous soyons interrogés sur la possibilité, pour une personne visée par une plainte déposée à son encontre, d’agir elle-même en dénonciation téméraire ou calomnieuse contre l’auteur de la plainte.
Un arrêt récent de la Cour de Cassation rappelle dans quelles conditions la responsabilité de l’auteur de la plainte peut être retenue.
Les faits dont la Cour de Cassation était saisie étaient les suivants.
Un Sieur G. avait écrit au Président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Montpellier ainsi qu’aux membres de la Commission des Finances de celle-ci afin de critiquer les comptes et la gestion de l’établissement.
Peu de temps après, il avait été démis de ses mandats de membre du bureau et de la Commission des Finances.
Il avait alors adressé au Procureur de la République une lettre par laquelle il dénonçait des faits qui ont donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire puis d’une information judiciaire confiée à un Juge d’Instruction.
C’est ainsi que, dans un premier temps, le Président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie avait été mis en examen pour corruption passive.
Toutefois, à l’issue de l’instruction, le Juge d’Instruction avait rendu une ordonnance de non-lieu à son encontre.
C’est alors que le Président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie avait assigné en justice l’auteur de la plainte déposée contre lui pour obtenir la réparation de son préjudice.
La Cour d’Appel de Montpellier a suivi le Président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie en ses demandes en condamnant le Sieur G. à lui verser la somme de 1 € symbolique au titre de son préjudice économique et de 5 000 € au titre de son préjudice moral.
Pour condamner Monsieur G., la Cour d’Appel de Montpellier a considéré qu’il était bien l’auteur d’une dénonciation téméraire pour laquelle il engageait sa responsabilité civile à l’égard du Président de la CCI.
Toutefois, Monsieur G. ne s’est pas incliné et a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision.
La Cour de Cassation a, tout d’abord, rappelé que « la liberté d’expression est un droit dont l’exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi » et que dès lors, « hors restriction légalement prévue, l’exercice du droit à la liberté d’expression ne peut, sauf dénigrement de produits ou services, être sanctionné sur le fondement de la responsabilité pour faute envisagée par le code civil ».
La Cour de Cassation distingue la dénonciation calomnieuse de la dénonciation téméraire.
Rappelons que le délit de dénonciation calomnieuse vise « la dénonciation effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, soit au supérieur hiérarchique ou à l’employeur de la personne dénoncée ».
Pour qu’une telle dénonciation soit considérée comme calomnieuse, il faut prouver que son auteur avait connaissance de l’inexactitude des faits dénoncés.
Ce n’est donc que dans cette hypothèse que le délit de dénonciation calomnieuse sera caractérisé étant rappelé qu’il s’agit d’une infraction pénale prévue par l’article 226-10 du code pénal.
La Cour de Cassation rappelait, par ailleurs, que les textes du code de procédure pénale qui règlementent la dénonciation téméraire permettent, certes, à la personne mise en examen ou prévenue de former une demande de dommages et intérêts à l’encontre de la partie civile en cas de décision définitive de relaxe ou de non-lieu, mais à la condition que la partie civile ait mis elle-même en mouvement l’action publique au moyen d’une plainte avec constitution de partie civile ou d’une citation directe devant le Tribunal Correctionnel.
Ce n’était pas le cas dans l’affaire soumise à la Cour de Cassation puisque la plainte déposée auprès du Procureur de la République avait déclenché des poursuites engagées par celui-ci.
La Cour de Cassation rappelle en outre qu’en dehors des cas visés par ces textes spéciaux, la dénonciation, auprès de l’autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, fussent-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive.
La dénonciation téméraire est celle qui, apparaissant injustifiée, expose son auteur à des dommages et intérêts.
La Cour de Cassation rappelait, toutefois, que la dénonciation téméraire n’était susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur que dans l’hypothèse où celui-ci avait mis en mouvement l’action publique en agissant par le biais d’une plainte avec constitution de partie civile déposée entre les mains du Juge d’Instruction ou d’une citation directe devant le Tribunal Correctionnel.
En revanche, dès lors que les poursuites avaient été exercées par le Procureur de la République, quand bien même celles-ci seraient intervenues après le dépôt d’une plainte, elles ne pouvaient aboutir à la condamnation pour dénonciation téméraire de l’auteur de la plainte.
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