La protection du secret des affaires, rejetée « par la porte » dans le cadre du projet de la loi Macron, revient « par la fenêtre » dans le cadre d’une Directive européenne.
L’important, et néanmoins controversé, sujet de la protection du secret des affaires, projeté puis abandonné dans la loi Macron du 6 août 2015, revient en force par le biais des instances européennes dans le cadre d’une « Directive relative aux secrets des affaires ». Un communiqué de presse en date du 22 décembre 2015 en fixe les principaux points.
Le projet ayant abouti à loi Macron du 6 août 2015 avait déjà voulu introduire dans le Code de Commerce le « délit de violation du secret des affaires ». Mais le texte avait suscité une telle polémique de la part d’une partie des médias et des syndicats, qu’il avait finalement été retiré.
Des craintes avaient en effet été exprimées par ces derniers sur les conséquences de cette disposition. Certains craignaient que ce texte n’entrave ou ne sanctionne les investigations et porte atteinte à la liberté de la presse. Il était ainsi notamment prévu, par ce projet, de punir de 3 ans de prison et de 375 000 euros quiconque prendrait connaissance ou révélerait sans autorisation toute information protégée au titre de ce fameux secret des affaires.
Au niveau européen, la Directive sur la protection des secrets des affaires s’impose maintenant et « ressuscite » la protection: le 15 décembre 2015, la présidence luxembourgeoise est parvenue à un accord provisoire avec les représentants du Parlement européen sur la définition de règles communes en matière de protection des secrets d’affaires et des informations confidentielles des entreprises de l’UE.
L’accord a été ensuite confirmé par le Comité des représentants permanents du Conseil de l’UE le 18 décembre 2015.
La directive, qui établit des mesures communes contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites de secrets d’affaires, est destinée à avoir un effet dissuasif contre la divulgation illégale de secrets d’affaires.
Le sujet est effectivement important puisque les investissements des entreprises dans l’obtention, le développement et la mise en œuvre de savoir-faire et d’informations ont une incidence déterminante sur leur compétitivité et leurs performances en matière d’innovation sur le marché.
Ce secret des affaires couvre donc des informations très variées qui vont des connaissances technologiques aux plans d’affaires ou les études et stratégies de marché, ainsi que les savoir-faire et informations commerciales que les entreprises souhaitent sauvegarder et garder confidentiels.
Les principaux points du communiqué de presse du Conseil de l’UE du 22 décembre 2015 sont les suivants :
1° Protection des investigations menées par les médias
Si la directive contient des mesures visant à empêcher la divulgation d’informations afin de protéger le caractère confidentiel des secrets d’affaires, les nouvelles mesures garantissent que le journalisme d’investigation pourra s’exercer sans nouvelles restrictions, notamment en ce qui concerne la protection des sources des journalistes.
2° Lanceurs d’alertes
Les personnes qui, « de bonne foi », révèlent des secrets d’affaires aux fins de protéger l’intérêt public général, et appelées « lanceurs d’alertes », bénéficieront d’une protection appropriée. Il appartiendra aux autorités judiciaires nationales compétentes d’apprécier s’il était nécessaire de divulguer un secret commercial afin de dénoncer une faute, une malversation ou une activité illégale.
3° Indemnisation pour les détenteurs de secrets d’affaires
Les États membres de l’UE devront prévoir les mesures, procédures et réparations nécessaires pour qu’un recours civil soit disponible « contre l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicites de secrets d’affaires ». Elles devront être équitables, effectives et dissuasives, sans être inutilement complexes ou coûteuses, ni comporter des délais déraisonnables ou entraîner des retards injustifiés. Le délai de prescription pour les recours ne devrait pas dépasser six ans.
Dans le cadre de l’application de cette Directive Européenne, les détenteurs de secrets d’affaires auront le droit de demander réparation en cas de dommages subis à la suite de l’appropriation illicite de « tout document, objet, matériau, substance ou fichier électronique contenant le secret d’affaires ou dont le secret d’affaires peut être déduit ».
La Directive devrait être soumise à la confirmation du Parlement européen au moyen d’un vote qui interviendrait dans le courant de cette année 2016. Après la publication de la directive au Journal officiel de l’UE et son entrée en vigueur, les États membres disposeront d’un délai maximal de deux ans pour intégrer obligatoirement les nouvelles dispositions dans leur Droit National.