Au fil des différentes décisions, nous revenons régulièrement sur la fragilité des clauses conventionnelles relatives au forfait jours des cadres.
La Cour de Cassation vient d’épingler le secteur de la grande distribution.
Il s’agissait cette fois-ci d’un salarié qui a été engagé, en janvier 2009, en qualité de responsable de réseau, par une chaîne de supermarché relevant de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire,. Le salarié était placé sous le régime d’une convention de forfait annuel de 216 jours travaillés. Il a saisi, en janvier 2011, la juridiction prud’homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en invoquant plusieurs griefs dont notamment l’irrégularité de sa convention de forfait en jours et sollicitait un rappel d’heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour manquements répétés à la législation relative aux temps de repos.
Il a fait plus tard l’objet d’un licenciement..
Dans la branche de la grande distribution, le régime des forfait en jours est organisé par l’article 5-7-2 de la convention collective nationale qui renvoie à un accord d’entreprise pour ce qui est des modalités de suivi et de l’organisation du travail des cadres concernés, de l’amplitude de leurs journées d’activité et de la charge de travail qui en découle.
Un avenant du 31 janvier 2006 ajoute qu’à défaut d’un tel accord d’entreprise, la convention individuelle de forfait en jours doit s’accompagner d’un contrôle et d’un décompte du nombre de jours travaillés par l’employeur, ainsi que des journées ou demi-journées de repos prises. Le salarié bénéficie chaque année d’un entretien avec son supérieur hiérarchique, assurant le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé, de l’amplitude de ses journées d’activité et de sa charge de travail. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés. Le respect du temps de repos quotidien et hebdomadaire doit notamment être assuré.
En l’espèce, un accord collectif d’entreprise en date du 26 janvier 2000 stipulait, d’une part, un droit au repos quotidien de 11 heures et une organisation du travail sur 5 jours aux fins de garantir le repos hebdomadaire des salariés en forfait jours et, d’autre part, le suivi du temps de travail des salariés par le biais d’un document décomptant leurs jours de repos.
Dans un arrêt du 4 février 2015, la Cour de cassation a estimé que ni les dispositions de l’article 5-7-2 de la convention collective, qui dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s’agissant du suivi de la charge et de l’amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique, ni celles de l’accord d’entreprise du 26 janvier 2000 qui, s’agissant de l’amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte, prévoient seulement l’organisation sur 5 jours de l’activité des salariés concernés, aux fins qu’ils puissent exercer utilement leur droit au repos hebdomadaire et l’établissement d’un document récapitulant leur présence sur l’année, ne sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
Il s’ensuit que la convention de forfait en jours est nulle et ouvre droit à un rappel de salaire pour heures supplémentaires.
L’entretien annuel sur la charge de travail doit bénéficier à tous les salariés placés sous convention de forfait en jours.
Mais un seul entretien individuel annuel n’est pas suffisant.
Pour les juges, un entretien annuel n’est pas de nature, à lui seul, à assurer un réel contrôle de l’amplitude et de la charge de travail des intéressés.
Les dispositions conventionnelles doivent prévoir, en sus de l’entretien annuel individuel, un suivi plus régulier mais surtout effectif et suffisamment fréquent qui permettent de remédier efficacement aux surcharges de travail constatées à l’occasion de ce suivi.
A défaut, les heures supplémentaires accomplies doivent donner lieu à paiement.
Très régulièrement, les juges invalident des accords collectifs dans les branches professionnelles rendant les relations individuelles assez peu sécurisées pour les entreprises relevant de ces secteurs.
Nul doute que les partenaires sociaux auront à renégocier les dispositions sur le temps de travail des cadres.