Il peut arriver qu’un propriétaire souhaite exploiter à titre personnel ses terres louées dans le cadre d’un bail rural. Il faut pour cela qu’il exerce son droit de reprise auprès du locataire.
Le preneur en place est relativement protégé par le statut des baux ruraux, à travers un formalisme strict à l’occasion de la délivrance du congé pour reprise.
Outre des conditions de forme et de procédure, le bailleur aura à respecter plusieurs conditions de fond pour que le congé soit régulier.
La vigilance est donc de mise pour sécuriser la démarche en amont et pour se défendre au mieux en aval devant le juge judiciaire, afin d’éviter le prononcé de la nullité du congé.
Le cabinet fait le point, à travers l’étude d’un arrêt récent de la Cour d’appel de Douai.
Quelles étaient les circonstances de l’affaire soumise à la Cour ?
Le défendeur était devenu propriétaire de parcelles, appartenant à sa famille depuis plus de 9 ans, et avait pris la décision d’une reconversion professionnelle : devenir exploitant agricole. Pour cela, il entendait mettre fin au bail rural et récupérer l’usage de ses terres.
Il a donc fait délivrer un congé par exploit d’huissier, congé contesté par le locataire par requête devant le Tribunal paritaire des baux ruraux. Celui-ci revendiquait pour sa part le renouvellement du bail rural pour une durée de 9 ans.
Le Tribunal ayant jugé le congé nul et constaté le renouvellement du bail, le bailleur a donc interjeté appel devant la Cour pour obtenir la validation de son congé pour reprise.
Les juges d’appel vont lui donner raison après avoir contrôlé les conditions à remplir.
Quelles sont les conditions de validité formelle du congé ?
Le congé doit mentionner, à peine de nullité :
- Les motifs allégués par le bailleur
- Les nom et prénom, âge, domicile, profession du bénéficiaire devant exploiter le bien loué, l’habitation qui sera occupée après reprise
- La formule prévue à l’article L.411-54 du code rural
En l’espèce, ces mentions étaient bien respectées.
Le preneur soutenait que la promesse de bail relative à la future habitation principale, qui concerne une maison et un hangar, ne permettait pas de vérifier que les conditions de fond d’une reprise étaient réunies.
La Cour vient rappeler que la régularité du congé s’apprécie à la date de sa délivrance : en l’espèce, il indiquait que le propriétaire continuerait d’occuper son domicile après la reprise et qu’il ressortait du dossier que la promesse de bail en question concernait en réalité un hangar et des bureaux.
Le congé est donc régulier en la forme et n’aurait pas dû être jugé nul.
Quelles sont les conditions de fond à remplir dans le cas d’un congé pour reprise à des fins personnelles ?
La Cour s’est d’abord intéressée aux conditions matérielles d’exploitation.
Le propriétaire précisait se consacrer à l’exploitation des biens repris à titre individuel, tout en logeant à 45 km de l’exploitation. La Cour estime qu’un temps de trajet de 49 minutes est compatible avec le temps de présence effective sur l’exploitation, dans le cadre de cultures céréalières sans élevage, avec le matériel entreposé sur place, et dont le dossier permettait de s’assurer de la réalité de l’achat (livre comptable et carte grise).
Il bénéficiait en outre d’une épargne de quasi 50.000 euros de nature à permettre l’achat futur de matériel supplémentaire.
Il disposait d’un brevet de technicien agricole et donc de la compétence professionnelle requise à la date d’effet du congé, de nature à justifier son projet de reprise des terres à son profit.
Quant à son intention de participer de façon effective et permanente à l’exploitation, elle s’apprécie à la date de délivrance du congé, là encore. Or, il ressortait du dossier que le bailleur avait bien revendu les parts de son ancienne SARL à ses enfants, et n’était donc plus pluriactif.
Ensuite, la Cour a examiné les conditions juridiques d’exploitation.
Elle vérifie si le repreneur pouvait être autorisé par le préfet à exploiter les terres au regard du régime de contrôle des structures agricoles.
Elle constate que l’appelant revendiquait relever du simple régime de la déclaration, et non de l’autorisation, en ce qu’il ne réalisait pas une réunion ou un agrandissement d’exploitation, mais une installation. Celle-ci étant d’une surface inférieure au seuil de déclenchement du contrôle des structures, il se trouve en conformité de sa seule déclaration. Il verse au dossier la confirmation de l’autorité préfectorale en ce sens.
La circonstance qu’il n’ait fait cette déclaration que quelques jours avant la date d’effet du congé n’est pas susceptible d’en emporter la nullité. Le propriétaire répond à la condition que les biens soient libres de location au moment du congé.
Toutes les conditions du régime déclaratif étant réunies, le repreneur présente toutes les qualités prévues par le code rural, si bien qu’il y a lieu de valider son congé, avec toutes conséquences de droit.
Cette affaire est l’occasion de se souvenir de la technicité du droit rural et des nombreux pièges qu’il peut receler.
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A consulter également, notre article sur la question des demandes concurrentes pour une autorisation d’exploiter.