Le Conseil d’Etat a eu l’occasion, dans un récent arrêt, de se prononcer sur l’intérêt à agir du requérant en matière d’autorisation d’urbanisme du point de vue temporel.
L’intérêt à agir est une considération très débattue en jurisprudence, car c’est un filtre de recevabilité opéré par le juge administratif, dans un contentieux où le législateur a tendance à limiter les recours contre les permissions de construire.
Ainsi l’article L.600-1-2 du code de l’urbanisme limite les recours en annulation contre une décision relative à l’occupation ou à l’emploi du sol au cas où la construction est de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente ou de bail.
Cette question d’admissibilité est d’autant plus importante que le code de l’urbanisme prévoit la possibilité pour le titulaire du permis de construire de demander la condamnation civile du requérant à des dommages-intérêts si le recours n’est pas introduit pour la légitime défense de ses intérêts.
À quelle date se place le juge administratif pour apprécier l’intérêt à agir ?
Dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat le 21 septembre 2022, la construction projetée concernait un immeuble commercial comprenant restaurant, boutique et bar, ainsi qu’un parc de stationnement semi-enterré.
Le Tribunal administratif était saisi par la voie d’un recours contentieux par un propriétaire voisin, et en défense, la commune et le constructeur opposaient un défaut d’intérêt à agir au requérant, en arguant de la superficie du bâti dans le secteur d’implantation du projet.
Une résidence de tourisme de 5 logements venait d’être érigée depuis peu sur un terrain adjacent, à proximité de celui du requérant.
Le juge des référés a retenu l’argument et jugée irrecevable l’action du riverain.
Saisi en cassation, le Conseil d’Etat adopte une différente solution.
Il constate qu’à la date d’affichage de la demande de permis de construire de la société bénéficiaire, cette résidence de tourisme n’avait pas été construite et que l’instruction de la demande de permis de construire correspondante était en cours.
Or, explique-t-il, en vertu de l’article L. 600-1-3 du code de l’urbanisme, sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l’intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.
Il n’y a pas à prendre en compte les circonstances postérieures, à l’instar de ce que fait le juge en contentieux d’excès de pouvoir. Il faut s’intéresser aux constructions environnantes, en ce qu’elles auraient pour effet de créer, d’augmenter, de réduire ou de supprimer les incidences de la construction, à la date d’affichage de l’accord.
Faute pour le juge des référés de s’être référé aux circonstances de droit et de fait à cette date, son ordonnance est entachée d’erreur de droit.
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