Dans le droit fil des décisions que la Cour de cassation rend en matière de preuve des heures supplémentaires, ses juges se sont penchés sur le sort des salariés en télétravail.
Dans un arrêt du 14 Décembre dernier, elle rappelle le mode opératoire lorsqu’il existe un litige en matière de durée du travail.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-3 du même code (dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016), l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Pour rejeter la demande des ayants droit du salarié en paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires et d’une indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt, après avoir relevé que les intéressés produisent un tableau de décompte des temps de travail du salarié de juin 2011 jusqu’à 2014, le rapport de l’inspection du travail qui donne ses heures de début et de fin de travail sur quelques jours non consécutifs sur les années 2013 et 2014, des relevés de mails adressés par le salarié entre septembre 2013 et mars 2014 et diverses attestations, retient que les attestations produites sont insuffisantes pour connaître les horaires de travail du salarié, que l’indication de ce que ce dernier travaillait beaucoup ne peut y répondre.
Il relève que les indications portées par l’inspection du travail donnent quelques exemples disséminés, que l’envoi de mails ne démontre pas que le salarié a travaillé en temps continu et que le tableau du décompte de temps de travail se contente d’affirmer semaine après semaine que le salarié travaillait systématiquement 56.25 heures sauf les semaines où il prenait un jour de congé ou de RTT sans mentionner les horaires accomplis et ne dresse qu’une moyenne quotidienne de 11h15 après avoir soustrait une pause-déjeuner et il relève que ce tableau ne mentionne pas la prise de vacances sur les années 2011 et 2012 contrairement à 2013.
L’arrêt en déduit que ces pièces ne contiennent pas d’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié aurait accomplies pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant ses propres éléments.
A tort selon la Cour de Cassation pour qui il fallait déduire de ses constatations, d’une part, qu’étaient présentés des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, d’autre part, que l’employeur ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail.
La preuve ne pèse pas exclusivement sur le salarié et dès lors qu’il produisait des éléments laissant supposer l’existence d’heures supplémentaires, l’employeur avait alors la charge de prouver le temps de travail quotidien exact du salarié ce qui n’était pas le cas.
Il doit ainsi être condamné.
Cet arrêt rappelle les dangers pour les employeurs à ne pas enregistrer le temps de travail des salariés.
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