L’absence de précision sur les motifs d’un acte individuel défavorable (rejet d’une demande, sanction, retrait d’une autorisation…) est généralement frustrante pour son destinataire.
Mais est-elle illégale pour autant ?
La motivation des actes unilatéraux (par opposition aux contrats) est régie aux articles L.211-1 à L.211-8 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) entré en vigueur le 1er janvier 2016.
Contrairement à ce qu’il est souvent imaginé, il n’existe pas d’impératif général de transparence qui obligerait l’administration à motiver ses décisions, c’est-à-dire à expliciter les motifs qui l’ont conduite à les prendre.
Ils n’auront à être portés à la connaissance de l’administré que si un texte ou un principe général oblige l’administration à le faire.
Le cabinet fait le point sur les obligations de l’administration relativement aux décisions défavorables.
Quelles sont les décisions concernées par l’obligation de motivation ?
L’article L.211-2 du CRPA donne la liste des types de décision administratives individuelles défavorables dont la motivation est obligatoire. Doivent être motivées les décisions qui :
- Restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;
- Infligent une sanction ;
- Subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;
- Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;
- Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;
- Refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ;
- Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l’article L. 311-5 ;
- Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d’une disposition législative ou réglementaire.
La jurisprudence est venue affiner ces situations générales : il faut ainsi vérifier au cas par cas si une décision entre ou non dans un des 8 cas.
L’article L.211-3 ajoute la motivation obligatoire des décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement. L’article L.211-4 laisse la possibilité de créer des catégories de décisions défavorables à motiver.
Il existe parfois des spécificités, par exemple pour France Travail (ancien Pôle Emploi) et les organismes de sécurité sociale.
En quoi consiste l’obligation de motivation ?
L’article L.211-5 du CRPA dispose que la motivation exigée doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. En pratique, elles seront présentées le plus souvent sous la forme de « considérant que … ».
Il ne s’agit pas tant d’identifier des motifs que de comprendre véritablement ce qui a présidé à l’édiction d’un acte. Ainsi, une motivation stéréotypée, qui ne prend pas en compte les éléments propres à la situation de l’administré, ou qui reproduit des dispositions légales, n’est pas suffisante.
L’enjeu est surtout de permettre au destinataire de vérifier le bien-fondé des motifs affichés : existe-t-il une erreur de fait ou de droit ? voire un détournement de pouvoir (quand les motifs affichés ne correspondent pas au véritable but poursuivi par l’autorité administrative) ?
Qu’en est-il quand la décision est née implicitement ?
Dans le cas où l’administration a tacitement pris une décision défavorable (par l’effet d’un silence gardé), par essence, elle ne comportera pas de motifs écrits.
Or, à imaginer que la décision explicite aurait dû être motivée, la question de sa légalité se pose.
La réponse est apportée par l’article L.232-4 du CRPA : l’absence de motivation n’est pas illégale en soi, mais seulement si l’intéressé ne se voit pas communiquer les motifs de cette décision implicite un mois après qu’il en a formulé la demande, ce avant expiration du délai de recours.
Au-delà de la seule vérification du bien-fondé des motifs avant d’envisager un recours « à l’aveugle », l’intérêt de cette demande est qu’elle a pour effet de proroger le délai de recours : il redémarre suivant le jour où les motifs sont communiqués, ou à tout le moins après l’expiration du délai de réponse d’un mois.
Cette prorogation peut être utile pour avoir le temps de consulter un avocat, qu’il s’agisse de préparer au mieux un recours ou de trouver une solution amiable.
Quelles sont les conséquences d’une motivation défaillante ?
Une décision qui n’est pas suffisamment ou pas du tout motivée est entachée d’un vice de forme qui la rend illégale et justifie l’annulation par le tribunal administratif.
Il est possible de saisir le juge des référés afin de demander la suspension de l’exécution de la décision défavorable entachée d’illégalité, en démontrant l’urgence de la situation.
L’assistance d’un avocat est vivement recommandée, voire même obligatoire pour certains types de recours devant la juridiction administrative.
Pour prendre rendez-vous, c’est ici.
Vous pouvez également consulter notre article sur le délai raisonnable pour contester une décision implicite de rejet par l’administration.