Dans les prochains mois, la France va vivre au rythme des Jeux Olympiques.
Les pouvoirs publics n’ont cessé de vanter les conséquences positives qui en résulteront pour notre pays. Il ne s’agit pas ici de débattre de tels effets mais d’évoquer les conséquences négatives qui, elles, n’ont sans doute pas été envisagées.
A Paris, un phénomène est actuellement constaté : certains propriétaires de logements loués donnent congé à leurs locataires logés à l’année. Ils souhaitent profiter de l’aubaine que constitue l’organisation des Jeux Olympiques en France pour proposer à prix d’or leurs logements à la location aux nombreux touristes qui vont venir en France, en recourant à la plate-forme Airbnb.
Il est clair qu’en procédant de la sorte, les bailleurs agissent en violation de la Loi.
Il suffit pour s’en convaincre de rappeler quand et selon quelles modalités le bailleur peut donner congé et ainsi mettre fin au bail d’habitation qui le lie à son locataire.
Est évoqué ici le cas de maisons ou d’appartements soumis à la Loi du 6 juillet 1989 sur les baux d’habitation dès lors qu’ils constituent la résidence principale du locataire et sont loués vides.
Le congé ne peut être donné que pour la date d’expiration du bail
Le bail ne cesse pas de plein droit à l’expiration du terme fixé, de sorte que le bailleur, qui souhaite y mettre fin, doit donner congé.
Le congé doit être donné pour la date d’expiration du bail. Ainsi, il n’est pas possible au bailleur de donner congé à n’importe quel moment et notamment en cours de bail.
La date d’expiration du bail est en principe fixée dans le contrat. Si tel n’est pas le cas, elle se déterminera par rapport à la date de prise d’effet du bail, et non par rapport à la date de conclusion du contrat.
Si le propriétaire est une personne physique ou une SCI familiale créée entre parents jusqu’au quatrième degré inclus le bail pour un logement vide est de trois années minimum.
Si le bailleur est une personne morale, le bail est de six ans minimum.
A défaut de congé délivré par le bailleur, le bail sera tacitement reconduit pour la même durée (trois ou six ans selon les cas).
Précisons également que, dans l’hypothèse d’un bail verbal, c’est-à-dire en l’absence de rédaction d’un contrat de bail écrit, les mêmes règles s’appliqueront.
Un délai de préavis de six mois doit être respecté
Le bailleur qui souhaite donner congé doit anticiper la date d’expiration du bail.
En effet, son congé doit être donné au moins six mois à l’avance.
Par exemple, pour un bail qui arriverait à expiration le 30 juin 2024, le bailleur doit donner congé avant le 30 décembre 2023. S’il ne délivre pas congé avant cette date, le bail sera automatiquement reconduit au-delà de cette date.
Il ne sera donc plus question pour le bailleur d’exiger du locataire qu’il quitte les lieux.
Quelles sont les formes du congé ?
Le congé devra être notifié par le bailleur au(x) locataire(s) :
- Par acte d’huissier
- Par lettre recommandée avec accusé de réception
- Ou lettre remise en main propre contre décharge.
S’agissant de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le délai ne court qu’à compter de la date de remise effective de cette lettre au locataire.
Ainsi, dans l’hypothèse d’un congé devant prendre effet à la date d’expiration du bail, soit le 30 juin 2024, la lettre recommandée doit être effectivement remise au locataire au plus tard le 30 décembre 2023.
Ainsi, si la Poste prend en charge la lettre recommandée le 29 décembre 2023 mais que sa remise effective au locataire intervient le 31 décembre 2023, le congé ne prendra pas effet au 30 juin 2024, puisque le délai de six mois n’est pas respecté. Le bail sera donc automatiquement reconduit.
Pour cette raison, le recours à un acte d’Huissier est conseillé.
Dans l’hypothèse où le congé est délivré par le bailleur en raison de sa décision de vendre ou de reprendre le logement, une notice d’information relative à ses obligations et aux voies de recours et d’indemnisation du locataire doit être jointe au congé.
Quels sont les motifs du congé ?
Le bailleur ne peut pas donner congé sans motif.
C’est ainsi que la loi définit les hypothèses dans lesquelles le bailleur peut donner congé. Elle ne prévoit que trois motifs permettant au bailleur de donner congé pour la date d’expiration du bail.
- Il s’agit d’abord de la reprise pour habiter. Il s’agira alors pour le bailleur de fixer sa résidence principale dans le logement qui était donné à bail. Un congé pour reprise ne peut être délivré par le propriétaire des lieux pour y fixer sa résidence secondaire.
Le bailleur ne pourra délivrer un tel congé s’il souhaite venir durant quelques semaines habiter le logement donné à bail pour pouvoir suivre de près les Jeux Olympiques.
De la même manière, un congé pour habiter qui serait délivré par le bailleur dans le but de permettre la location du logement à des touristes pendant les Jeux Olympiques pourrait être invalidé par les Juridictions saisies.
Seul le bailleur personne physique pourra délivrer un tel congé ou la SCI familiale constituée de parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus.
- Le bailleur pourra également délivrer un congé pour vendre le logement étant, toutefois, rappelé que ce principe est tempéré par la reconnaissance d’un droit de préemption au profit du locataire.
- Le bailleur pourra aussi délivrer un congé pour motif légitime et sérieux.
Il pourra tout d’abord s’agir d’un congé délivré pour un motif réel et sérieux tenant à l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant.
Le motif légitime et sérieux peut également être indépendant de toute faute commise par le locataire. Le bailleur pourra faire état de raisons personnelles qui, selon lui, justifient le refus de renouvellement du bail.
Par exemple, il pourrait s’agir de la nécessité de loger dans l’appartement, une aide à domicile exigée par l’état de santé du bailleur, ou la volonté de réunir des locaux contigus.
Nul doute qu’aucune juridiction ne considérerait comme étant un motif légitime et sérieux, permettant au bailleur de délivrer congé le fait pour lui de souhaiter offrir à la location le logement concerné pendant la période des JO.
Les exceptions
Dans certaines hypothèses limitativement énumérées par la Loi, le bailleur ne pourra donner congé à son locataire.
Aucun congé ne peut être délivré en cours de bail aux locataires protégés en raison de leur âge et de la modicité de leurs ressources.
Le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du bail à l’égard d’un locataire âgé de plus de 65 ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un montant de ressources fixé par arrêté du ministre chargé du logement, à moins qu’il ne lui offre un autre logement correspondant à ses besoins et ses possibilités dans le même arrondissement ou un arrondissement limitrophe, dans le même canton ou un canton limitrophe, dans la même commune ou une commune limitrophe, à une distance maximale de 5 km.
Cette règle est également applicable lorsque le locataire a à sa charge une personne de plus de 65 ans visant habituellement dans le logement et remplissant les conditions de ressources précitées et que le montant cumulé des ressources annuelles de l’ensemble des personnes visant au foyer est inférieur au plafond de ressources déterminé par l’arrêté précité.
Ce n’est que dans l’hypothèse où le bailleur est lui-même une personne physique âgée de plus de 65 ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures au plafond des ressources mentionné par le même arrêté que ces règles ne s’appliqueront pas à lui.
C’est à la date d’échéance du contrat qu’il y a lieu de se placer pour apprécier l’âge du locataire, de la personne à charge ou de celle du bailleur.
Quant au montant des ressources, il s’apprécie à la date de notification du congé.
Comment contester le congé délivré par le bailleur ?
Dans l’hypothèse où le bailleur délivre un congé au locataire en cours de bail, le locataire peut se maintenir sans difficulté dans les lieux. Rappelons en effet qu’un bailleur, qui souhaite obtenir l’expulsion de son locataire doit obtenir une décision en justice et solliciter un Commissaire de Justice pour mettre en œuvre cette expulsion. Cela prend du temps.
Pour connaître les délais applicables, cliquez ici.
Nul doute que, dans une telle hypothèse, aucune juridiction ne prononcerait la résiliation du bail et l’expulsion du locataire, de sorte que celui-ci peut dormir sur ses deux oreilles.
Dans l’hypothèse où le bailleur a donné congé pour la date d’expiration du bail, mais n’a pas respecté les règles de forme, les délais ou encore les motifs exigés par la Loi, il est possible pour le locataire de se maintenir dans les lieux.
Là encore le bailleur devra agir en justice pour tenter d’obtenir la résiliation du bail et l’expulsion du locataire et celui-ci pourra demander l’annulation du congé et donc obtenir la poursuite du bail.
Le locataire peut aussi prendre l’initiative de saisir le Juge des contentieux de la protection qui est compétent en pareille affaire pour solliciter l’annulation du congé délivré.
Bien qu’ayant quitté les lieux, le locataire peut aussi agir en vue d’obtenir la réparation de son préjudice à l’encontre du bailleur qui a agi en fraude à la Loi.
Face à des bailleurs peu scrupuleux qui ne respectent pas la loi, il est conseillé aux locataires de se rapprocher d’un Avocat qui pourra faire un diagnostic précis de leur situation et leur indiquer les moyens d’action dont ils disposent à l’encontre de leur bailleur.
Les Avocats du cabinet ACTION-CONSEILS se tiennent à la disposition des parties au bail – bailleurs ou locataires – pour les conseiller et les accompagner dans leurs démarches.
Pour aller plus loin en matière de bail d’habitation :
- Bail d’habitation : le bailleur doit jongler avec les délais
- Bail d’habitation : l’assurance des locaux