Le code rural prévoit un formalisme rigoureux dans l’hypothèse où un propriétaire souhaite mettre fin au bail rural, afin de protéger le preneur en place.
Cette protection existe quand bien même il s’agirait d’obtenir la résiliation du bail rural pour faute aux torts du fermier.
Ainsi, en cas de défaut de paiement du fermage, le code rural oblige le bailleur à mettre son locataire en demeure de régulariser sa situation préalablement à toute action en justice.
L’article L. 411-31-I prévoit qu’il y ait eu au moins deux défauts de paiement avant de mettre en demeure, puis l’écoulement d’un délai de 3 mois après mise en demeure avant de saisir le Tribunal paritaire des baux ruraux.
Le bailleur doit être en mesure de justifier qu’il a bien respecté ces deux conditions pour assurer la recevabilité de sa requête. La preuve de la notification au preneur présente donc un enjeu majeur pour chacun des cocontractants au bail rural.
Le code rural semble avoir réglé la question puisqu’il précise que la mise en demeure est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (article R. 411-10).
Pour autant, la jurisprudence a dû apporter plusieurs précisions, sur lesquelles le cabinet fait le point.
Que se passe-t-il si le fermier ne récupère pas le pli recommandé ?
La Cour de cassation est venue juger que lorsque qu’une mise en demeure adressée par voie recommandée revient avec la mention « pli avisé non réclamé », il y a lieu de considérer que le preneur n’a pas reçu l’information préalable obligatoire, sur le fondement des articles 669 et 670 du code de procédure civile.
Cette hypothèse est différente de la situation où l’adresse n’est pas la bonne (mention « NPAI », c’est à dire « n‘habite pas à l’adresse indiquée »).
Là, l’adresse est exacte et les services postaux ont délivré un avis de passage au destinataire, mais ce dernier n’est pas allé le récupérer à la Poste durant le délai de 14 jours.
La solution du juge judiciaire est protectrice du titulaire du bail, parfaitement dans l’esprit du statut des baux ruraux.
Le juge administratif a une approche divergente s’agissant de la notification des actes administratifs par l’administration : si l’administré ne récupère pas son pli régulièrement avisé, on estime la décision néanmoins opposable.
La Haute juridiction judiciaire décline sa protection à travers l’hypothèse où l’avis de réception est signé par un tiers qui ne détient aucun mandat ni pouvoir : là encore, elle juge que la mise en demeure n’est pas réputée délivrée conformément à l’article L411-31-1 du code rural.
Est-il réellement obligatoire de notifier par pli recommandé ?
Au-delà de ce que prévoit le code rural, il reste possible de procéder par voie de signification par commissaire de justice (nouvelle dénomination des huissiers de justice).
La jurisprudence l’a admis pour l’article L.411-31-1 du code rural, qui n’est qu’une formalité a minima en définitive, sur le fondement de l’article 651 du code de procédure civile : il permet d’utiliser la signification en plus de la procédure ordinaire.
Cette solution, somme toute logique, permet de préserver les intérêts du bailleur : il suffirait autrement à un fermier de ne jamais récupérer les recommandés postaux pour paralyser le système de résiliation judiciaire.
Au vu des limites qui ont été exposées plus haut s’agissant du courrier recommandé, il paraît particulièrement avisé de privilégier la signification si l’on veut s’assurer d’une réception rapide. Cela dépasse l’hypothèse de la mise en demeure avant résiliation. Cela vaut particulièrement pour le congé, face à un risque de reconduction tacite d’un bail rural.
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Pour aller plus loin, vous pouvez consulter notre article sur les différents cas d’autorisations d’exploiter et sur le délai de prescription de l’action en requalification de bail rural