Un actionnaire, ayant subi la déloyauté du dirigeant qui ne l’a pas informé des conditions financières plus avantageuses dans lesquelles ce dernier allait revendre les actions qu’il lui achetait, peut être indemnisé à hauteur de la « valeur de la perte de la chance » qu’il pouvait avoir de les vendre dans de meilleures conditions.
En quoi consiste le devoir de loyauté dans un contrat de vente ?
Selon une jurisprudence classique, les dirigeants sont tenus d’un devoir de loyauté les obligeant à porter à la connaissance des associés les informations qu’ils détiennent et qui sont de nature à influer sur le consentement de ces associés à une opération à laquelle ces dirigeants participent, directement ou indirectement ce qui est le cas d’un projet de cession d’actions.
Cette obligation s’impose encore plus nettement depuis l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, du nouvel article 1112-1 du code civil, aux termes duquel : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dés lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».
Comment est valorisée la « perte d’une chance » ?
Les magistrats « apprécient » souverainement la plus ou moins grande certitude selon laquelle, si l’actionnaire avait été informé par son cocontractant, il aurait pu, ou non, traiter à de meilleures conditions. Il peut arriver que cette perte de chance soit valorisée à 100 % de la plus-value réalisée par sa contrepartie potentielle. Tel est le cas si la réalisation de la plus-value n’est soumise à aucun aléa . Mais cette hypothèse demeure exceptionnelle. Le plus souvent l’appréciation des juges retient un pourcentage moins élevé, mais réel, en fonction des circonstances .
Exemple récent soumis à l’appréciation des Tribunaux :
Le directeur général d’une SA acquiert 10 % du capital social auprès d’un actionnaire.
Il les revend huit jours après, à un investisseur, au prix antérieurement convenu avec ce dernier, soit près du double de celui auquel il vient de les acquérir.
Le président cède ses 10 % aux mêmes conditions.
L’actionnaire reproche aux dirigeants de ne pas l’avoir informé de la promesse d’achat dont ils bénéficiaient et d’avoir ainsi manqué à leur devoir de loyauté à son égard. Il demande à être indemnisé, non pas à raison d’une simple perte de chance d’avoir vendu à de meilleures conditions, mais à hauteur de la totalité de la différence entre son prix de vente et le prix auquel le directeur général a revendu ces titres.
Il estime, en effet, qu’en raison de l’engagement, antérieurement souscrit par l’investisseur concernant le nombre d’actions à acquérir par lui et le prix proposé, il n’existait aucun aléa sur la réalisation de la vente à son profit. Le fait que l’investisseur ait exigé que l’actionnaire devienne minoritaire conforte son analyse.
Les juges ont reconnu le manquement au devoir de loyauté. Mais ils ont estimé que ce manquement a simplement fait perdre à l’actionnaire une chance de vendre ses actions à un meilleur prix, chance qu’ils évaluent à un montant égal à 5 % de la différence entre son prix de vente et le prix auquel le directeur général a revendu les titres. Ils retiennent, à cet effet, que l’investisseur ne souhaitait pas acquérir les titres de l’actionnaire, avec lequel il ne voulait pas avoir de relations.