Newsletter Avril 2016
Remboursement des frais d’instance en cas de contestation d’un permis de construire
Dans un contexte où la réglementation cherche à réduire au maximum les recours introduits par des tiers contre les autorisations d’urbanisme, les juridictions administratives adoptent cependant une approche plutôt favorable aux requérants concernant le remboursement des frais d’instance…
* L’article L.761-1 du code de justice administrative prévoit que « dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».
Parmi ces frais, on trouve, notamment, les honoraires d’avocat, sans qu’il soit nécessaire d’ailleurs de justifier de ce qui a été réellement payé. Le montant, en la matière est le plus souvent évalué forfaitairement par le juge administratif, qui dispose sur ce point d’un grand pouvoir d’appréciation. Ainsi, il n’est jamais obligé de condamner la partie perdante à rembourser les frais supportés par la partie adverse (par exemple si un particulier de bonne foi voit sa requête rejetée et que sa situation financière est obérée).
Le contentieux des contestations des permis de construire, qui a la particularité d’être tripartite (un requérant, un pétitionnaire et une autorité administrative), génère des problématiques spécifiques en termes de frais d’instance, tenant au retrait du permis de construire d’une part, et à la régularisation du permis de construire d’autre part.
* Remboursement des frais en cas de retrait d’un permis de construire :
Quand une décision contestée est retirée par l’autorité administrative, le juge constate alors qu’il n’y a pas lieu de statuer, puisqu’elle se trouve alors rétroactivement supprimée. Dans pareil cas, il n’y a pas à proprement de partie « perdante » puisque le bien-fondé de la requête n’est pas tranché, ce qui peut poser problème en termes de remboursement de frais d’instance.
La question se posait particulièrement dans l’hypothèse où l’administration retire, à la demande du bénéficiaire, un permis de construire contesté par ailleurs par un tiers.
Dans un arrêt du 7 novembre 2014 (requête n°13NT01718), la Cour administrative d’appel de Nantes a tranché en annulant un jugement qui avait pris acte d’un non-lieu à statuer, suite à un retrait de permis de construire, tout en condamnant la commune à verser aux requérants 800€ au titre de l’article L.761-1.
Or, précise la Cour, il ressortait du dossier que le retrait était intervenu à la demande du pétitionnaire pour une circonstance extérieure au permis de construire (problème d’écoulement d’eaux pluviales dans le village qui l’a amené à renoncer à son projet de construction), laquelle ne suffisait pas à établir que ce permis était entaché d’illégalité et que la commune aurait été de ce fait la partie perdante.
On peut en déduire que si le retrait avait été demandé par le bénéficiaire du permis pour des raisons tenant à la légalité de la décision, la solution aurait différé et conduit à mettre à la charge de la commune des frais irrépétibles pour les requérants. C’est ce que permet la jurisprudence en cas de retrait en cours d’instance d’une décision défavorable (telle qu’un refus de permis de construire).
* Remboursement des frais d’instance en cas de régularisation du permis de construire
La jurisprudence récente s’est montrée également favorable aux requérants dans l’hypothèse où un permis de construire modificatif a été déposé afin de régulariser le projet, après qu’un tiers l’a contesté.
On rappellera que l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme permet au juge administratif de surseoir à statuer le temps qu’un permis modificatif soit délivré (dans un délai qu’il fixe), s’il constate qu’il existe un vice susceptible d’être régularisé.
Dans un arrêt du 26 novembre 2015 (requête n°14NC00388), la Cour administrative d’appel de Nancy avait sursis à statuer pour la délivrance de plusieurs permis modificatifs permettant d’après elle de régulariser la situation des permis d’origine (concernant des éoliennes). Une fois ces permis délivrés, elle avait rejeté les conclusions aux fins d’annulation de l’association requérante à l’encontre des permis initiaux.
Pour autant, la Cour a considéré qu’elle n’est pas tenue de rejeter sa demande tendant au remboursement des frais d’instance : « compte tenu de l’illégalité initiale des permis de construire relatifs aux éoliennes GF1, GF2 et GF3 qui n’a été purgée qu’au bénéfice de la mise en oeuvre de la procédure de régularisation prévue à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat à l’association Rabodeau environnement qui, en l’espèce, ne peut être regardée comme la partie perdante, le paiement de la somme de 1 500 € au titre des frais que celle-ci a exposés à l’occasion de son recours au juge ».
Autrement dit, un riverain qui aura réussi à obtenir que le bénéficiaire du permis purge son projet des vices remédiables, à la demande du juge, pourra voir les honoraires de son avocat (au moins en partie) mis à la charge de l’autorité administrative dans l’instance relative au permis originel.
Allant jusqu’au bout de sa logique, la Cour a jugé que la société bénéficiaire des permis contestés ne pouvait pas quant à elle voir ses frais d’instance remboursés, ni par l’administration ni par la requérante.
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