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Envoyer des cadres salariés suivre certains stages s’avère risqué pour l’employeur

Newsletter Juillet 2015

Envoyer des cadres salariés suivre certains stages s’avère risqué pour l’employeur

La Cour d’Appel de DOUAI a rendu un arrêt intéressant dans une hypothèse que l’on rencontre régulièrement au sein des moyennes et grandes entreprises et concernant certains types de stages.

Il s’agissait, en l’occurence,  de la société NORPAC qui avait embauché une salariée en qualité de chef de groupe d’étude et valorisation de projets.

Elle a décidé, 3 ans après l’embauche, d’envoyer la salariée à un stage intitulé « affirmation du leadership et gestion de crise à St CYR COETQUIDAN » pendant 4 jours.

L’employeur a indiqué dans un mail : «  l’objectif pédagogique de cette formation et de vous préparer à votre rôle de manager, notamment en vous donnant des outils qui vous permettront de dominer des situations de crise auxquelles vous ne manquerez pas d’être confrontés au cours de votre vie professionnelle.
Dans ce cadre, nous avons tissé depuis 5 ans, une coopération avec les écoles de ST CYR, tant sur ce point spécifique de la gestion de crise, les militaires disposent d’un incontestable savoir-faire. Riches en émotion, mais totalement sécurisés et physiquement accessibles à tous, ces 4 jours vous donneront également l’occasion d’étoffer votre réseau au sein de Bouygues Entreprises France – Europe et Bouygues Travaux Publics« .

La salariée a suivi ce stage et a participé notamment à des simulations d’opérations militaires, dont un exercice de libération de prisonnier, de nuit, au cours duquel elle indique s’être fait une entorse à la cheville droite, un exercice de transport d’un blessé sur brancard comprenant un passage à travers un fossé rempli de vase et de boue, les stagiaires se lavant ensuite dans un lac, et un parcours type « commando ».

Dès le lendemain de son retour de stage, la salariée consulte son médecin traitant, lequel établit un certificat qui constate la présence de multiples ecchymoses sur les membres inférieurs et supérieurs ainsi qu’une entorse de cheville sans gravité.

Son médecin traitant constate, en outre, un « stress psychologique intense qui a entrainé secondairement une dépression sévère et rebelle ».

Une déclaration d’accident du travail a été établie par le médecin sans arrêt de travail, le même jour.

Quelques jours plus tard, la salariée fait l’objet d’un arrêt de travail en raison d’une grippe qu’elle impute aux conditions du stage.

Elle écrit à son employeur pour lui reprocher les conditions de ce stage et le fait qu’elle s’est plainte à la direction des ressources humaines sans aucun retour de celle-ci.

En réponse, la société NORPAC faisait valoir notamment que le stage était par nature adapté à tous quelle que soit sa forme physique et que tous les collaborateurs et tous les collaborateurs qui y ont participé sont revenus enrichis et enthousiastes.

C’est alors que la salariée bénéficie d’autres arrêts maladie pour, cette fois-ci :  » dépression réactionnelle ».

Un psychiatre de la médecine du travail confirme cette dépression.

Un psychologue ira même jusqu’à décrire son état de  » stress professionnel intense ».

Pour la Cour d’Appel, la société NORPAC ne pouvait ignorer les risques d’un tel stage puisqu’il a été établi que l’année précédente, une autre de ses salariées avait participé un stage comparable et qu’une déclaration d’accident du travail avait également due être faite au retour de ce stage; peu importe que les autres participants aient tous été satisfaits.

La salariée ayant pris acte de la rupture du contrat de travail et imputant la responsabilité de cette rupture à l’employeur, la Cour d’Appel a fait droit à ses demandes en faisant produire à la rupture les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

L’employeur a par ailleurs été condamné à des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Les Juges ont en effet estimé que la société NORPAC n’établissait nullement que ses agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, peu important qu’elle allègue ne pas avoir eu l’intention de harceler sa salariée.

Cet arrêt nous rappelle donc que les stages organisés par un employeur, même s’ils partent d’un bon sentiment et d’un objectif louable, sont susceptibles d’être sanctionnés au titre de la violation de l’obligation de résultat en matière de sécurité à laquelle est soumise toute entreprise.

L’extrême  prudence est donc de mise.

 

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