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16/09/2024 : La production de bons de livraison non signés du client peut-elle faire la preuve de l’existence de la livraison contestée ?

La preuve d’une livraison peut résulter de la seule production d’un relevé de compte-client, des factures et des bons de livraison même si le fournisseur les a établis lui-même, et que le client ne les a pas tous signés.

Un principe souvent plaidé devant les tribunaux consiste à soutenir que nul ne peut se constituer ses propres preuves.

Un arrêt récent de la Cour de cassation rappelle que ce principe ne s’applique pas en toute hypothèse.

 

Dans l’affaire qui était soumise à la Cour de cassation un compte client avait été ouvert par un entrepreneur, fournisseur de matériaux.

Celui-ci assigné en paiement son client au titre de factures impayées et versé aux débats pour tenter de démontrer sa créance plusieurs factures et bons de livraison, ainsi qu’un relevé du compte-client.  Ces bons de livraison que le fournisseur avait établis lui-même ne comportaient pas tous la signature du client et ce dernier contestait être redevable des factures impayées car il disait ne pas avoir été livré. Il soutenait que les documents produits par le fournisseur n’avaient aucune valeur probante, puisqu’il les avait établis lui-même.

La Cour de cassation n’a pas suivi le débiteur en son argumentation. Elle a rappelé que le principe suivant lequel nul ne peut se constituer de titre ou de preuve à soi-même ne s’applique qu’à la preuve des actes juridiques et non pas à celle des faits juridiques qui peut être faite par tous moyens.

La Cour de Cassation rappelle également que, même pour les faits juridiques, le Juge apprécie souverainement la valeur probante des éléments produits.

 

Il y a donc lieu de faire une distinction entre deux hypothèses :

 

  • Il s’agit de prouver l’acte c’est-à-dire l’existence du contrat liant les parties.

 

En ce cas, la seule production de pièces établies par le fournisseur ne permettra pas d’apporter la preuve de l’existence de ce contrat.

On pense ici à l’hypothèse d’un garagiste qui réclame à un particulier le paiement d’une facture de prestations alors que ce dernier conteste être le propriétaire du véhicule réparé.

Dans ce cas, pour obtenir gain de cause, le garagiste doit démontrer l’existence du contrat l’ayant lié au client.

Il s’agit donc là d’apporter la preuve d’un acte juridique – ici un contrat – démonstration qui ne peut être faite par la seule communication de documents établis par le garagiste lui-même.

 

  • S’il s’agit de démontrer une livraison, il est question de la preuve d’un fait juridique.

 

En cette hypothèse – c’est ici l’affaire soumise à la Cour de cassation – le fournisseur peut apporter la preuve de la livraison en versant aux débats le relevé du compte-client, les factures émises et des bons de livraison quand bien même d’ailleurs ils n’auraient pas été signés par le client.

Précisons encore que la Cour de cassation, dans l’affaire ici évoquée, a aussi tenu compte des pratiques habituelles des parties qui venaient donner force probante aux documents produits par le fournisseur.

 

Notre conseil :

 

Le client qui reçoit une livraison doit, avant de signer le bon de livraison qui lui est présenté, vérifier que tous les produits figurant sur ledit bon lui sont bien parvenus et, à défaut, noter avec précision sur ledit bon les articles manquants.

Que le bon de livraison ait été signé par le client ou pas, s’il découvre a posteriori que la livraison est incomplète, il faut qu’il écrive au plus vite au fournisseur pour le lui signaler.

A défaut de contestation rapide, le client sera très certainement condamné au paiement par la juridiction saisie sur la seule base des bons de livraison du fournisseur.

 

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