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25/12/2023 : Focus sur les enjeux juridiques du statut des baux ruraux

D’ici 10 ans, un tiers des agriculteurs français aura atteint l’âge de la retraite, ce qui lance évidemment le défi d’une attractivité de la filière auprès des jeunes, afin d’assurer son renouvellement générationnel.

Le ministre de l’Agriculture évoquait début septembre 2023 les grandes lignes du nouveau projet de loi d’orientation agricole, qui passera par des concertations régionales. Il prolonge ainsi l’annonce du Président de la République, un an auparavant, des 4 axes du « pacte » d’avenir agricole : orientation/formation, transmission, installation des jeunes et adaptation face au climat.

On retrouve là les objectifs du contrôle des structures des exploitations agricoles, encadré par le code rural. L’Etat régule en effet, par un régime d’autorisation administrative, la mise en valeur des terres agricoles et des ateliers de production hors sol au sein des exploitations agricoles, quels que soient leur forme ou leur mode d’organisation

Cette politique de contrôle ne serait pas efficace sans un encadrement adapté des conditions de mise à disposition des terres agricoles. C’est pourquoi le législateur a mis en place un régime juridique dérogatoire du droit civil pour le contrat atypique qu’est le bail rural.

Le cabinet fait le point sur les enjeux juridiques des baux ruraux.

  • Le choix du bail

La première étape décisive quand un propriétaire n’entend pas valoriser ses terres mais les mettre à disposition est évidemment le choix du bail.

Le code rural prévoit 6 cas de figure : le fermage, le bail à cheptel, le bail à domaine congéable, le bail à complant, le bail emphytéotique et le cas résiduel de location de jardins familiaux.

A côté, il existe des baux dérogatoires, dont le régime dérive du fermage, tels le bail SAFER et le bail de petites parcelles.

Le fermage (ou bail à ferme) représente trois quarts de l’exploitation des surfaces agricoles : c’est le principal régime prévu par le code rural. Ses règles ont une portée générale, appliquées à d’autres baux ruraux par adaptation.

Il concerne la mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole.

Pour savoir si un bail pourra bénéficier du statut du fermage, on procède donc par élimination.

Ce filtrage passe en grande partie par l’analyse de l’objet de la convention, à travers la nature de l’activité exercée : sont réputées agricoles « toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation ».

Cela concerne aussi les activités de culture marine, les activités de préparation et entraînement des chevaux (l’activité de spectacle en est exclue).

Plusieurs paramètres doivent être pris en compte avant de retenir le choix de tel ou tel bail.

Le plus souvent, les parties seront guidées par la durée de la convention qui leur correspond le mieux.

La durée du bail va influencer sa forme : un bail verbal est réputé conclu pour 9 ans. Au-dessus de 12 ans, il n’est pas possible de se contenter d’un acte sous seing privé, il faut un acte authentique (devant notaire). En fonction du formalisme que l’on est prêt à mettre en place, il faut choisir son bail.

Il existe des baux durables : le bail à long terme (minimum 18 ans), le bail de 25 ans (au minimum) ainsi que le bail de carrière. Avec ce dernier, on va privilégier le critère de l’âge de la retraite de l’exploitant pour opérer le choix, qui donne la possibilité d’un fermage majoré.

Au-delà, c’est aussi la facilité avec laquelle il est possible d’y mettre fin (du point de vue du bailleur) ou de la renouveler ou de la céder (du point de vue du preneur) qui motive le choix et influence les négociations entre bailleur et preneur.

Enfin, le choix du bail peut être guidé par des considérations comptables et fiscales.

  • Le déroulement du bail

Les clauses du bail, établies par les parties en fonction de la marge de manœuvre que ménage le code rural, sont le cadre dans lequel il se déroule.

Selon les modalités de mise à disposition, il sera interdit de prévoir certaines clauses sous peine de nullité du bail conclu ou, au contraire, au risque de requalification en bail rural d’un contrat civil (par exemple le prêt à usage, ou « commodat »).

En l’absence d’acte formalisé, c’est un contrat type, établi par département, qui sera appliqué, avec les clauses usuelles en matière de durée, paiement du loyer, répartition des impôts, sort du bail en cas de décès du preneur etc.

Le bail va généralement venir préciser les droits et obligations de chacun, au-delà de ce que le régime de droit commun prévoit. Il va également accorder une importance particulière au paiement du loyer.

Pendant le temps où le bail trouvera à s’appliquer, l’intérêt des parties peut évoluer par rapport aux conditions initialement prévues. Normalement, en matière contractuelle, les parties sont relativement libres de faire évoluer les conventions qu’elles ont conclues, tant qu’elles respectent les formalités et principes régissant le droit des contrats.

Mais le statut des baux ruraux limite les cas d’évolution qui permettraient indirectement de dévoyer au régime voulu par le législateur. En particulier, l’esprit du statut du fermage est celui de la stabilité : il est donc protecteur du preneur en place quant à la jouissance du bien loué.

En pratique, on note deux principaux enjeux d’évolution, relativement antagonistes : la volonté du propriétaire de récupérer ses terres avant terme (logique de reprise des terres, pour les exploiter ou les vendre libres d’occupation par exemple) et celle du locataire de se maintenir au-delà du terme (renouvellement).

Ces deux cas de figure sont strictement encadrés et ils ne seront possibles que pour autant que le statut ne l’interdit pas d’une part, et qu’il est envisagé dans les clauses du bail lui-même d’autre part.

Un troisième enjeu peut également être identifié durant l’exécution du bail : la cession. Les parties peuvent avoir intérêt mutuel à envisager de pouvoir céder le bail. Si cela est assez simple dans le cadre familial, il faut l’avoir prévu bien en amont pour le permettre dans les autres cas. Il a été ainsi créé un bail cessible hors cadre familial, au régime clairement dérogatoire du fermage.

  • La fin du bail

Le cadre très protecteur et d’ordre public qui est prévu par le code rural ne laisse que peu de marge aux parties quant à décider de mettre fin au bail. En fonction du niveau de protection qui a été souhaité en amont de sa conclusion, les cas de fin anticipée seront limitativement envisagés.

La logique la plus évidente est celle du bail qui prend fin à son terme, c’est-à-dire quand survient l’évènement convenu entre bailleur et preneur ou simplement la date. Cependant, il est possible et courant que le bail soit tacitement reconduit, en cas d’inaction des parties et donc prolongé largement au-delà de sa durée d’origine.

La procédure de résiliation du bail en est logiquement la traduction, puisqu’elle est limitativement envisagée et à travers un formalisme rigoureux.

La résiliation amiable n’est jamais exclue mais est strictement entendue : la Cour de cassation contrôle l’existence d’un consentement réciproque et non équivoque des parties en ce qu’elles vont renoncer à leurs prérogatives légales protectrices. S’il y a un vice du consentement, l’accord sera nul.

Dans le cadre du fermage, l’avantage de la résiliation est de permettre au bailleur de se dispenser de délivrer au preneur un congé dans les formes et délais impartis par le statut. Généralement, cela se monnaye par le paiement d’une indemnité pour l’avantage qu’il tire du départ anticipé du preneur.

La résiliation peut intervenir à la demande du preneur qui atteint l’âge de la retraite, en respectant un préavis de 12 mois.

La résiliation pour faute du preneur est envisageable en cas de défaut de paiement du loyer, en respectant un formalisme strict. Elle n’intervient pas de plein droit : il est nécessaire que le bailleur saisisse la justice, ce dans un délai de 5 ans sous peine de forclusion de l’action, et bien-sûr avant que le bail ne prenne fin. Le preneur garde la possibilité de régulariser jusqu’à ce que le Tribunal paritaire des baux ruraux soit saisi.

Il est préférable d’être assisté par un avocat pour gérer un tel contentieux.

Il existe une possibilité plus rare et spécifique de résiliation : quand le plan local d’urbanisme évolue et que le zonage de la parcelle permet de modifier la destination agricole (après autorisation préfectorale).

Le cabinet peut vous accompagner aux différentes étapes de la vie du bail rural, mais aussi en parallèle, pour ce qui concerne les autorisations d’exploiter.

Pour prendre rendez-vous, c’est ici.

Vous pouvez également consulter notre article sur les conditions de validité du congé pour reprise.