Telle est la question qui était soumise à la juridiction administrative et que vient de trancher le Conseil d’Etat par la négative le 3 novembre dernier.
Cette affaire donne l’occasion de faire le point sur la procédure très particulière de l’abandon de poste en fonction publique.
Rappel sur l’abandon de poste
Il ne suffit pas qu’un agent public, titulaire ou contractuel, ne se présente plus à son poste de travail de manière prolongée sans bénéficier d’une autorisation d’absence pour constater un abandon de poste.
Il faut préalablement que l’agent ait été mis en demeure de rejoindre son poste, de façon officielle, par courrier recommandé généralement. Il lui est ordonné de reprendre son service avant une date butoir, au risque d’être radié des effectifs sans procédure disciplinaire préalable.
S’il manque un de ces éléments, la procédure sera considérée irrégulière et encourt l’annulation.
Si l’agent rejoint son poste avant l’échéance, le problème se règle sur le terrain de l’absence injustifiée : c’est un manquement à l’obligation de service qui entraîne des sanctions disciplinaires, et une retenue sur traitement. S’il dispose de justificatifs qu’il avait omis de transmettre ou qu’il était dans l’incapacité matérielle de transmettre, le problème est réglé.
En revanche, si l’agent ne se présente toujours pas à son poste, on considère qu’il a rompu le lien avec le service et l’employeur va pouvoir prononcer sa radiation, qui prend la forme d’un arrêté individuel qui lui est notifié avec les voies et délais de recours.
L’agent, qui n’est pas involontairement privé d’emploi, ne peut pas percevoir d’allocation chômage ni indemnité de licenciement. Ses droits à congés sont perdus sans compensation.
Mise en pratique à travers l’affaire soumise au juge administratif :
Un agent public avait été recruté dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, au grade de rédacteur territorial dans une commune à Mayotte, en qualité de directeur des services de la jeunesse et des sports. Puis il avait rejoint le service instructeur des permis de construire.
La collectivité a ensuite souhaité le recruter dans le cadre d’un nouveau CDI au grade d’éducateur territorial des activités physiques et sportives, en qualité d’animateur éducateur sportif.
Ce que l’agent a refusé, malgré trois mises en demeure de rejoindre son affectation, les deux dernières précisant qu’à défaut d’y déférer, en l’absence de justificatif, une procédure d’abandon de poste entraînant sa radiation des cadres serait engagée à son encontre sans procédure disciplinaire préalable.
N’ayant pas rejoint son nouveau poste, un arrêté de radiation des effectifs est effectivement intervenu, que l’agent a contesté devant le tribunal administratif.
Ce dernier l’ayant annulé, avec réintégration de l’agent, la commune a interjeté appel.
Qu’a jugé la Cour administrative d’appel ?
Les juges d’appel ont estimé que le maire était fondé à considérer que l’agent, ne pouvait être regardé comme se trouvant dans l’impossibilité matérielle de reprendre son service et ne faisait valoir aucun justificatif d’ordre médical, avait rompu le lien qui l’unissait au service en refusant de rejoindre son poste d’animateur éducateur sportif en dépit des mises en demeure qui lui avaient été adressées, et que ce comportement était constitutif d’un abandon de poste justifiant sa radiation des effectifs.
Pourquoi le Conseil d’Etat vient casser cet arrêt ?
La Haute juridiction constate que la Cour n’a pas cherché à savoir si l’agent avait signé le nouveau contrat par lequel la commune proposait de le recruter en qualité d’animateur éducateur sportif ou si, à défaut de nouveau contrat, ce changement d’affectation constituait une modification d’un élément substantiel du contrat en cours, justifiant qu’il refuse de rejoindre cette nouvelle affectation. De ce fait, elle a commis une erreur de droit.
Le simple refus de rejoindre l’affectation malgré mise en demeure dûment notifiée ne suffit pas à tirer la conclusion de l’abandon de poste : il était nécessaire de prendre en compte le contexte de ce refus.
Pour prendre rendez-vous en droit de la fonction publique, c’est ici.
A consulter également : notre article sur le refus de modification des heures de travail.