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25/04/2023 La perte d’ensoleillement permet-elle de contester un permis de construire ?

Le Conseil d’Etat vient d’apporter des précisions intéressantes sur la notion d’atteinte aux conditions d’éclairement pouvant conduire à interdire la délivrance d’un permis de construire.

L’indépendance des législations

On commencera par rappeler que le code de l’urbanisme prévoit que le permis de construire (d’aménager ou de démolir) ou la décision de non-opposition à déclaration préalable de travaux est délivré sous réserve du droit des tiers.

Cela signifie que lorsqu’elle instruit une demande, l’autorité administrative « vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d’urbanisme. Il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s’estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d’autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d’urbanisme ».

Autrement dit, le maire n’a pas à s’intéresser aux rapports de voisinage tels que : servitudes privées, mitoyenneté, ensoleillement, création de vue, empiètement…

De même, le juge administratif écartera tout argument de ce type, qu’il qualifiera « d’inopérant » faute de pouvoir caractériser une illégalité.

Le code de l’urbanisme laisse néanmoins les rapports de droit privé passer la porte de la juridiction administrative dans deux cas.

Le droit privé à travers l’intérêt à agir

Tout d’abord, les requérants ne sont recevables à demander l’annulation d’un permis de construire que « si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente ou de bail ».

La volonté du législateur est de réserver le contentieux de l’urbanisme aux tiers qui sont directement concernés par le projet litigieux : le simple fait d’être un contribuable de la commune par exemple ne suffit plus depuis 2013.

C’est donc à l’occasion de l’examen de l’intérêt à agir qu’il sera approprié d’invoquer la perte d’ensoleillement entre autres.

La jurisprudence n’impose pas que l’auteur du recours apporte la preuve du caractère certain de l’atteinte qui lui donne intérêt à agir. Cela doit être suffisamment vraisemblable et ressortir des pièces du dossier.

C’est généralement le voisin immédiat qui aura statistiquement le plus facilement intérêt à agir.

La préservation de l’éclairement comme règle d’urbanisme

Une collectivité ou une intercommunalité peut décider d’inclure certaines considérations relevant de l’éclairement dans son plan local d’urbanisme. Le projet de construction doit alors en tenir compte car cela devient une règle d’urbanisme.

C’est notamment ce que prévoit le PLU de la ville de Paris : il est possible de s’opposer à l’implantation d’une construction en limite séparative si elle a pour effet de porter gravement atteinte aux conditions d’éclairement d’un immeuble voisin.

Saisi d’un recours par des riverains, le Conseil d’Etat a examiné la légalité du permis de construire délivré à une société HLM pour des logements sociaux à travers la perte d’éclairement de leurs appartements.

Cela l’amène à préciser ce qui est grave : cela suppose une obstruction significative de la lumière, qui ne saurait se réduire à une simple perte d’ensoleillement. S’il existe une perte totale d’éclairement dans une pièce, la gravité de l’atteinte s’apprécie selon les caractéristiques de la pièce et son utilisation, ainsi que le niveau d’éclairement du logement dans l’ensemble.

En l’espèce, il s’agissait de salles de bain, et non de pièces de vie, disposant d’un « jour de souffrance », c’est-à-dire une ouverture laissant uniquement passer la lumière.

Le juge administratif estime qu’il n’y a pas d’atteinte grave même si cette ouverture se trouvera désormais privée d’éclairage « naturel ». Cela reste une pièce secondaire et cela n’a pas d’influence sur l’éclairement d’ensemble de l’appartement.

Pour prendre rendez-vous en droit de l’urbanisme, c’est ici.

Consultez notre article sur la régularisation d’un permis de construire illégal